Carlat : Les doutes de Marie.

Je vous emmène à Carlat, petite commune du Cantal, pour ce second essai de #RDVAncestral. Le #RDVAncestral est un exercice mêlant généalogie et écriture et réside en la publication d’un billet le 3ème samedi de chaque mois racontant une rencontre « romancée » avec l’un de nos ancêtres.

Une sieste bien méritée

Nous sommes samedi, la semaine de télé-travail a été rude. Ce déjeuner, peut être un peu riche m’envoie directement me poser dans le canapé et, petit à petit, je me sens verser vers une somnolence bienvenue.

J’ouvre, un peu brutalement les yeux étonné par une odeur de nature matinale et humide. Je me sens un peu bizarre, déplacé. Autour de moi des nappes de brouillard s’effilochent, expliquant cette odeur. Serais je revenu une nouvelle fois « Rue des Creutes » ?

Voyage Voyage …

J’observe l’environnement et me regarde également moi-même. Il se passe effectivement quelque chose, ces chaussures rigides et ferrées ne sont pas miennes, ce costume un peu rude mais toutefois habillé n’est pas mien non. plus. Le paysage environnant ne ressemble pas à ma Picardie natale.

Je marche sur un chemin pavé et arrive dans un village niché au coeur de vieilles montagnes, le panneau indique Carlat ce qui complète l’information données par les montagnes alentour. Nous voila au coeur du Cantal.
Information confirmée par le journal qui traine sur l’un des bancs publics, j’ai en main un numéro du Moniteur du Cantal daté du 7 Janvier 1863. A cet instant, je suis effleuré par une pensée anachronique, pourquoi n’ai je pas un accès rapide ma base généalogique pour situer … ce qui se passe à cette date autour de Carlat ?
😉.

Partons vers le village de Calves

Je descends la route vers le village de Calves et chemin faisant défile dans ma tête mes ancêtres de ce petit coin du Cantal. Le jour se lève sur les montagnes environnantes, le rocher de Carlat émerge du brouillard lorsque le soleil commence à percer. Tout cela contribue à donner une atmosphère … hors du temps ! Mais n’est ce pas finalement la réalité ? Ne suis je pas, à cet instant, hors du temps ?

La rencontre

Ce que je commençais à anticiper se produit alors, au détour du chemin, en face d’une vue magnifique, les yeux perdus dans le vague se tient une femme dans la force de l’âge. Vétue de noir, elle tourne la tête et me regarde approcher. En regardant son visage, je sais tout de suite de qui il s’agit. C’est ainsi que je me suis toujours imaginé Marie. A chaque fois que je lis et que j’essais de compléter son histoire, je vois ses deux yeux clairs, sa mâchoire volontaire et les petites rides autour de sa bouche et de ses yeux, symboles de fermeté et de volonté.

Ses cheveux blancs sont rassemblés sous un foulard noir. Oui Marie en cette année 1863 a 64 ans. Et s’il elle est vêtue de noir, ce n’est pas parce qu’elle est veuve, c’est surement plus par rapport à son âge et ses habitudes. Est ce son habit de fêtes ?

Car demain, Marie va épouser un petit jeune, Géraud son fiancé n’a que 62 ans !

La vie de Marie

Nous entamons une conversation, face à ce paysage calme et apaisant. Comme la dernière fois, je suis surpris de ne ressentir aucune appréhension chez elle, elle parle avec moi comme si elle m’avait toujours connu. Serait ce que les gènes nous ôtent la gène à travers les âges ?

Elle me parle de sa vie, débutée en pleine révolution en 1798 à Fontanges, non loin d’ici, de sa volonté farouche d’indépendance peut être inspirée par cette révolution.
Elle é
voque également ses choix de vie, son éloignement familial, sa volonté de posséder ses propres cultures, même pour une femme seule.
Elle me conte e
nfin ses choix d’avoir des enfants sans père, de choisir elle seule la vie qu’elle veut mener.

Des doutes bien légitimes

Et finalement, elle évoque les doutes de ces derniers mois, l’âge qui commencent à l’inquiéter, la transmission de ses cultures à ses enfants.
Ne seront ils pas dépouillés, lorsque plus faible elle ne pourra continuer comme aujourd’hui.
Toutes ces interrogations qui l’ont conduite à regarder différemment les propositions de Geraud veuf maintenant depuis quelques années.

N’est ce pas le bon moment pour accepter, unir vies … et terres pour préparer l’avenir de ces enfants ?
Et en même temps, n’est ce pas renier sa conduite, son indépendance et oublier tout ce qui a représenté sa vie jusqu’à aujourd’hui ?

Dois je lui dire que ses choix ont toujours été les bons ?
Dois je lui dire que parce qu’elle a choisi de ne pas se marier et de donner son nom à ses enfants … je porte le même nom qu’elle ?
Dois je lui dire que sa vie se fera avec Géraud pour encore dix longues années ?

La décision est prise

Mais je n’ai pas à le lui dire car je vois, comme le ciel bleu de cette Auvergne se reflète dans ses yeux, que le bleu de ceux ci tourne vers le gris acier. Je vois que sa décision est prise, je vois un sourire se dessiner au coin de ses lèvres.

Les doutes de Marie sont partis, elle épousera Géraud demain, Jeudi 8 Janvier 1863 à 9h00 à la mairie de Carlat.
Mais je vois les montagnes bouger et devenir floues petit à petit, il est temps pour moi de partir et de retrouver … mon canapé.

J’ai finalement encore oublié le principal, et je ne lui ai posé aucune question sur tous ces documents officiels que je n’arrive pas à trouver.

Ou peut être finalement le principal aurait peut être été de lui dire que ma fille née presque 200 ans après elle … porte les mêmes nom et prénom qu’elle 😊

Compléments Généalogiques

Marie Marty, sosa 65 de mes enfants est née en 1798 à Vieillespesse dans le Cantal, à environ 50 km de Carlat à vol d’Oiseau. Est ce un effet de la révolution ou une erreur, je n’ai pas son acte de naissance. En effet, celui ci n’est absolument pas présent dans les registres. Nous avons pourtant connaissance de ces détails par son acte de mariage avec Géraud Aymard en 1863.

Et Marie Marty, cultivatrice, domiciliée au village de Calves, en notre commune, âgée de soixante quatre ans, née au village de Vieillespesse commune de St Projet (Cantal) dans le courant de l’année 1798 ainsi qu’il résulte d’un acte de notoriété délivré par Mr le juge du Pays de Salers et homologué par le tribunal civil d’Aurillac le 12 décembre dernier, lequel acte demeure ci-joint…

Acte de mariage de Marie Marty 1863 – Archives départementales du Cantal

Son fils Pierre, mon sosa 32, naitra le 1er mai 1832 à Carlat. La encore aucune trace de l’acte de naissance, ni dans les tables ni dans les registres. Par contre dans l’acte de mariage de Pierre est indiqué :

[…] Est comparu Pierre Marty âgé de 32 ans né à Calves commune de Carlat le 1er mai 1832 […] fils majeur et naturel à Marie Marty Propriétaire à Calves commune de Carlat ici présente et consentante […]

Acte de Mariage Pierre Marty x Marguerite Autemayou 1865 Saint Etienne de Carlat
Source : Archives départementales du Cantal
Carlat : Mariage Marie & Géraud

Marie épousera donc bien Géraud Aymard, lui même vacher, domicilié à Carlat et veuf depuis décembre 1861 de Marie Solliliage. Il est né le 17 prairial an VIII à Jussac.

Elle passera 10 ans avec lui avant de décéder le 30 avril 1873 à 1 heure du matin à Carlat. Son décès est déclaré par Noël Etienne Charbonnier et Noël Jean des cultivateurs voisins non-parents.

Carlat : Décès Marie
Carlat : Décès Marie
Acte de décès Marie 1873 à Carlat
Source : Archives départementales du Cantal
Carlat : Le moniteur du cantal
le moniteur du Cantal
Source Archives Départementales du Cantal

Le Moniteur du Cantal est un journal dit Politique et administratif paraissant les mercredis et samedis. Né le 22/12/1858 de la fusion de l’écho du Cantal et de la Reve du Cantal, il s’est transformé le 12/08/1905 en la liberté du Cantal.

Asavar

2 commentaires

  1. J’aime beaucoup – entre autre – l’hommage rendu dans les deux lignes de conclusion de ce beau rendez-vous.

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