Généathème : La bibliothèque bombardée

Chaque mois Sophie Boudarel du blog « La gazette des ancêtres » propose aux généablogueurs une thématique, le généathème, pour (au moins) un article.
Ce mois-ci, le thème proposé était de mettre en scène un objet transmis par nos ancêtres.
J’ai choisi la bibliothèque bombardée de mes grands-parents.




Ce n’est pas que je sois super fan du style de cette bibliothèque, coincé entre art nouveau et art déco.

On lui trouve les caractéristiques des meubles des années 30. En plus de ses décors floraux, elle commence à intégrer des formes de bois torsadés.

Je ne suis pas spécialiste des meubles anciens, mais je peux en tout cas dire qu’elle n’est ni suffisamment art nouveau ni suffisamment art déco pour avoir beaucoup de valeur.

De plus, l’épaisseur du bois la composant et son état n’en font pas un meuble d’une valeur financière importante.

Une Bibliothèque pour un généathème

Alors me direz-vous : Pourquoi l’avoir choisie pour ce généathème ?
Parce que sa particularité, comme indiquée dans le titre de l’article, réside dans le bombardement 🙂
Cette bibliothèque contient un éclat de bombe reçu pendant la deuxième guerre mondiale. Il est aujourd’hui encore inséré dans le bois.
Lorsque j’étais enfant, ce morceau de métal (et son histoire) me fascinait au point que, à chaque visite chez mes grands-parents, j’allais voir cette bibliothèque dans l’entrée de l’appartement pour y toucher bois et métal.

Mais remettons nous dans le contexte de ce généathème en commençant par mes grands parents.

Mes grands-parents paternels Pierre et Simonne

Pierre et Simonne font le lien entre deux parties de ma famille, celle issue du cantal d’où Pierre est originaire et celle issue du nord de la France, la Somme où est née Simonne.

Geneathème  La Bibliothèque bombardée
Pierre et Simonne, mes grands parents paternels

Doù viennent ils ?

Honneur à la dame : Simonne est née Doyen (Simonne Louise Elisa) en 1909 à Abbeville dans la Somme. Pas de faute d’orthographe, son prénom s’écrit bien avec deux « n » et est bien sur dérivé du prénom Simone. Peu donné sous cette forme-ci, il semble qu’il fut assez en vogue dans les années 20.
Ses parents Paul et Gabrielle (Maillet) tiennent un commerce à Abbeville.
Gabrielle y est corsetière alors que Paul a eu une carrière militaire auparavant.
S’il a servi, bien sur, durant la première guerre mondiale, il ne connaîtra pas la seconde, décédant en 1930. Gabrielle la connaîtra puisqu’elle mourra à Amiens en 1946.
Son ascendance, d’origine du Pas-de-Calais, remonte, à aujourd’hui dans ce que je connais, jusqu’en 1643.
En ce qui concerne Paul, son ascendance partagée entre la Somme et l’Aisne remonte, toujours avec ce que j’en connais aujourd’hui, à 1600.

Passons maintenant à Pierre.
Nous sommes dans une toute autre partie de la France. En effet, Pierre a vu le jour en 1906 à Saint-Étienne de Carlat dans le Cantal.
Ses parents, Calixte et Marie Louise (Bruel) y sont cultivateurs et seront plus tard commerçants. Je me souviens encore avoir passé du temps, petit garçon, dans leur épicerie d’Aurillac. (Postée en photo dans une session de #1jour1ancêtre).

Leur ascendance à tous les deux semble très locale dans ce petit coin du cantal entre Aurillac, Saint Étienne de Carlat, Saint Jacques des Blats et autres Thiézac.

Pour Marie Louise, à l’heure actuelle, son ascendance connue remonte autour de 1600, quand celle de Calixte plafonne autour de 1670.

Une rencontre grâce à l’administration

Et oui, l’administration aura tout fait pour que mes grands parents finissent par se rencontrer. A commencer par l’affectation de Pierre pour effectuer son service militaire.
Il le fera en effet, de mai 1926 à novembre 1927, au musée des armées à l’hôtel des Invalides à Paris. Voilà déjà un bon bout de chemin effectué entre Aurillac et Abbeville 🙂
A la suite de ce service militaire, il retourne dans l’administration. Il demande l’appui d’un général pour être affecté dans une région du centre ou du midi de la France. Ce ne devait pas être le bon puisqu’il est affecté Commis aux enregistrements au bureau des actes judiciaires … d’Abbeville.

Après s’être rencontrés, ils se marieront en 1929 à Abbeville. Ils partiront sur Amiens probablement dans le cadre d’une mutation professionnelle après la naissance de mon père.

1944 à Amiens : Bombardements de la Pentecôte

A l’époque, mes grands parents habitaient à Amiens rue Vaquette. Cette rue nommée en l’honneur de Jean Vaquette (1658-1739), l’un des premiers maires d’Amiens, fait partie du quartier Saint-Acheul. C’est une longue rue entre deux axes plus importants constituée de maisons typiquement amiénoises en briques rouges.
On peut supposer que ces maisons datent de l’après guerre. Amiens fut presque intégralement détruite par les bombardement successifs de la seconde guerre mondiale.

On peut ainsi citer :

  • Les journées du 18 et 19 mai 1940 détruisirent une grande partie du centre ville, la gare et plusieurs quartiers. Il y eu un incendie qui dura 5 jours mais qui à l’instar des bombes épargna la cathédrale d’Amiens. Ce sont à ce moment les allemands qui sont à la manoeuvre.
  • L’opération dite « Jericho », bombardement de la prison d’Amiens le 18 février 1944 par … les anglais.
  • Enfin les bombardements de la Pentecôte 1944 sont ceux qui nous intéressent plus particulièrement dans le cadre de ce généathème. Ils ont fait plus de 200 morts et détruit environ 4 000 maisons dont la maison de mes grands-parents. Les américains « s’y collent » faisant d’Amiens une ville particulièrement touchée à la fois par ses ennemis et pas ses alliés.

Mes grands-parents, ainsi que mon père, alors adolescent, avaient trouvé refuge dans la cave de leur maison. Ils ont ainsi pu survivre sans blessure à cette ultime session de bombardement effectuée en prévision du débarquement.

Notre bibliothèque dont je ne connais pas la provenance était présente dans la maison rue Vaquette. Si elle n’a pas été détruite, elle porte bien les stigmates de cette Pentecôte 1944.

On peut penser que mes grands parents en ont fait l’acquisition avant la guerre soit neuve soit d’occasion. Mon grand-père était plutôt un amateur de la salle des ventes.

Je vous laisse découvrir sur les photos les impacts et l’état de la bibliothèque bombardée de ce généathème. La question se pose régulièrement de la remettre en état et de la réparer. Je ne le souhaite pas car pour moi sa valeur principale réside dans le symbole qu’elle représente. Symbole d’un danger évité qui a permis à ma famille de continuer à exister.

Généathème la partie abimée
Généathème gros plan sur l'éclat
Une bibliothèque avec de l’éclat

S’il est bien une philosophie que nous pouvons tirer de cette généalogie, c’est que la vie que nous avons est issue de tellement de fils si ténus et fragiles que nous nous devons d’en profiter le plus possible.
Chacun est toutefois libre d’y chercher ce qu’il souhaite 🙂

En toute fin, petit coucou et gros merci à ma sœur qui a mené une grande partie des recherches généalogiques sur cette partie de la famille et qui, encore avant-hier, m’envoyait des scans de documents familiaux qui ont servi pour ce généathème de Mars 2020.

Asavar

5 commentaires

  1. Ça c’est un meuble véritablement marqué par l’histoire. Très bon choix et très joli récit !

  2. Meuble témoin de son temps par son aspect, de la vie d’un couple, et aussi marqué dans son bois par la grande histoire, intéressante découverte

  3. Waouh ! Cette bibliothèque en a des choses à raconter ! Ce sont ces petits détails qui font toute la valeur de nos objets ancestraux ! Merci pour cette découverte et cette histoire !

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